Quelle guitare acheter ?
Cet article traite des guitares « traditionnelles », c’est à dire des guitares cordées en boyau ou en nylon et dont les racines sont en Espagne (ce sont les « guitare espagnole », « guitare classique », « guitare flamenca ».)
Si l’instrument ne fait pas le musicien, il y contribue tout de même un peu. C’est lui qui nous permet d’entrer dans la matière sonore et de la travailler. Choisir sa guitare est une quête, une recherche d’identité et d’esthétique musicale qui s’affine avec le temps et l’expérience. Celui qui débute n’aura pas grand intérêt à investir dans « un bel instrument » ; il lui sera plus essentiel de développer d’abord ses compétences et son oreille musicale.
Le conseil le plus évidant est avant tout d’écouter des guitaristes. Ils seront autant de repères et de référants pour définir une esthétique sonore et musicale qui nous correspond.
Si « l’instrument » est une question qui nous préoccupe, ne serait-il pas utile de s’intéresser à son histoire et à sa lutherie ? A ce propos, je ne saurais que trop vous recommander Orfeo magazine qui nous invite à rencontrer les alchimistes du bois qui façonnent nos belles guitares (une mine d’or !).
Si le choix d’un instrument est une affaire de goût, il implique également une notion de budget, alors voici une petite idée (à la louche) de ce que vous trouverez sur le marché de l’instrument.
S’il s’agit d’un premier achat, je vous conseille de vous orienter vers des revendeurs spécialisés (et de proximité), ils devraient être en mesure de vous apporter conseil et d’assurer un service après vente en cas de problème. Notez aussi qu’il existe différentes tailles de guitares (enfants et adultes) et que, selon les marques, elles ne respectent pas toutes les mêmes standards de conception (notamment sur la largeur de « sillet de tête »…)
Sur quels critères orienter nos choix ?
- Les caractéristiques sonores
- L’équilibre tonal (basses/médiums/aigus)
- La justesse des notes
- Le confort de jeu
- La présence sonore
- L’esthétique
Comment définir un son ?
Le timbre et le son : Sec, Long, Rond, Chaleureux, Profond, Clair, Percussif, Brillant, Métallique, Velouté, Court, Droit, …
Les performances techniques et acoustiques : Réactivité et Dynamique, Richesse harmonique, Attaque, Réponse, Projection…
L’articulation : la netteté et la clarté avec lesquelles chaque note est exprimée, souvent liées à la précision de la construction et à la qualité des matériaux.
Les tailles
- 1/2 et 3/4 sont des tailles enfants
- 7/8 une taille intermédiaire
- 4/4 une taille adulte
Prix pour une guitare usinée
Ici, la notion de « gamme » se définie par la qualité des bois utilisés et la complexité des finitions (marqueterie et autres détails). La nature des bois, leur qualité et la conception structurelle ont évidement un impact considérable sur la qualité et la sonorité de l’instrument :
- entre 150€ et 350€ pour une entrée de gamme (correcte)
- 750€ pour un bon milieu de gamme (très satisfaisant)
- 1500€ et + pour du haut de gamme
Voici quelques marques de bonne facture (liste non exhaustive) : Camps, Alhambra, Kremona, Yamaha, …
Prix pour une guitare de luthier
- à partir de 1500€ pour une belle guitare d’étude
- à partir de 3500€ pour une guitare de concert
- 5000€ et beaucoup plus pour le haut de gamme
On va chez un luthier pour y trouver un instrument fait dans le respect de la tradition, une matière première sélectionnée avec attention, un soin particulier sur l’ouvrage et surtout, pour une « identité » et une « signature sonore ». Acheter chez un jeune luthier est un bon parti, le prix sera bcp plus attractif et s’il est talentueux, sa côte va monter.
Pour une guitare de collection
On doit entendre par « guitare de collection » qu’il s’agit d’un instrument de portée historique et issu d’un grand nom de la lutherie. Ici, selon la rareté, l’état, la période, la provenance et le prestige du luthier, les tarifs peuvent s’envoler… certaines guitares peuvent se vendre à plus de 100.000€ (c’est le prix a payer pour des guitares Antonio de Torres, Hermann Hauser, Ignacio Fleta, Robert Bouchet…). Ceci étant, on trouve aussi des guitares « de collection » à des tarifs beaucoup plus abordables comme par exemple, les guitares José Ramirez Deuxième génération (fabriquées entre 1957 et 1962) entre 10.000€ et 20.000€ (…et parfois moins), celles de Troisième génération aux allant tours des 3500€ (fabriquées entre 1960 jusqu’au début des années 1980). Il est à noter que ces instruments peuvent avoir fait l’objet de plusieurs restaurations et que, du fait de leur grand âge et de la maturité des bois, la puissance sonore et la jouabilité ne sont pas toujours les paramètres les plus remarquables. Si l’on se dirige vers ce genre d’instrument, c’est pour leur « portée historique » et leur « identité sonore ». Il y a là un rapport affectif, une sorte de filiation charnel avec l’histoire. (acheter une guitare de luthier c’est comme acheter une toile de maître, c’est une oeuvre à part entière. C’est l’oeuvre particulière d’un individu).
La guitare d’occasion, une bonne option
C’est avec le temps que l’instrument se fait, les bois « s’ouvrent » et les tensions propres aux assemblages trouvent leur équilibre. Acheter un instrument d’occasion c’est profiter tout de suite du meilleur de ses qualités sonores. Bien entendu il faut une certaine habitude pour expertiser convenablement un instrument d’occasion. Voici quelques points de contrôle :
- que la table d’harmonie ne soit pas décollée, fendue ou qu’elle ne présente pas de déformation trop importante (dues aux tensions des cordes)
- qu’il n’y est pas de barrage décollé à l’intérieur de la caisse
- que le manche n’est pas été cassé et recollé
- que le chevalet ne présente pas de décollement (sur l’arrière)
- que le manche ne présente pas de déformation (creux ou bosses) qui ne soit réglable
- que l’action des cordes soit confortable (la facilité de jeu) et que la « frise » acceptable (en contrôlant toute la longueur du manche)
- que la justesse soit bonne
- que chacune des mécaniques tourne correctement et soit en mesure de tenir l’accord
Notez tout de même que tout ou presque tout sur une guitare peut être réparé ou remplacé, c’est une affaire de prix.
Anatomie de la guitare
300 heures de travail en moyenne…
c’est le temps de fabrication d’une guitare pour un artisan luthier traditionnel. Le prix de ses instruments est souvent relatif à sa notoriété et à ses années de pratique. Si tout le monde n’a pas 5000€ à sortir de sa poche, le prix n’en est pas moins justifié (chacun fera le calcul, une fois retiré le coût de la matière première, les charges d’exploitation, les taxes et ponctions étatiques en tout genre… la rémunération horaire du luthier est bien faible. Il est clair que ce qui motive ici l’action est forcément autre chose que le profit mercantile.)
Pour autant, il est vrai qu’on trouve aujourd’hui sur le marché des instruments usinés offrant des performances tout à fait honorables et capables de satisfaire nombreux d’entre nous.
Si les usines peuvent proposer des instruments à des prix dérisoires, c’est que leur raison d’être et leurs principes de fonctionnement ne sont pas ceux du luthier (marges de négoce sur la matière première, délocalisation des chaines de production, mécanisation et coup réduit de la main d’oeuvre, réseaux de distribution…)
J’ai envie de faire ici un parallèle significatif avec le monde vinicole. Si les caves coopératives n’ont jamais produit de grands crus, c’est avant tout parce que leur « modèle de production » ne le permet pas. La grande distribution produit « de la quantité et des standards » ; elle est tenue par une économie de marché (concurrentielle) et elle minimise les risques. A contrario, l’artisan (vigneron ou luthier) perpétue une tradition, il s’inscrit dans « une recherche esthétique » et travaille de petites quantités de façons spécifiques avec une vision personnelle. Même s’il a besoin de vendre sa production pour vivre, la raison d’être de l’artisan c’est « l’ouvrage ». C’est dans les ateliers de luthiers que se façonne l’histoire de l’instrument, ce sont eux qui apportent les innovations et qui insufflent à l’instrument une identité, un souffle et une âme.
Les essences de bois
Ci-dessous, les essences de bois fréquemment utilisées dans la fabrication des guitares.
- Table d’harmonie : Épicéa, Cèdre
- Dos et éclisses : Cyprès, Palissandre, Sapelli (Acajou)
- Manche : Cèdre, Acajou, Érable
- Touche : Ébène, Palissandre
- Chevalet : Ébène, Palissandre, Bois de rose
L’essence ne suffit pas, la qualité du bois varie selon différents paramètres et notamment, le climat et l’altitude à laquelle l’arbre a poussé (cela influe sur la densité) ; l’âge et la période à laquelle il a été coupé, le mode et le temps de séchage… (les luthiers peuvent utiliser des bois qui auront séché pendant plusieurs dizaines d’années.)
Photo Orfeo magazine N°21 – Printemps 2023
La table et le barrage
La table d’harmonie et le barrage jouent un rôle crucial dans le son d’une guitare. La nature du bois et la qualité du grain (serré ou large) définissent en grande partie les caractéristiques sonores de l’instrument. Notons également qu’il existe différentes variétés et divers réputations pour chacune de ces essences (Épicéa européen ou d’Amérique du nord ; Palissandre de Rio, des Indes ou de l’Asie du Sud-est…)
La table d’harmonie est une sorte de membrane tendue qui amplifie l’action vibrante de la corde, elle a la même fonction qu’une peau pour une percussion. Elle doit donc être fine et réactive. L’épaisseur de la table varie sur toute la surface (plus mince au centre et un peu plus épaisse vers les bords, elle peut être symétrique ou asymétrique pour jouer sur l’équilibre tonal)(cette variation peut se jouer entre 2mm. et 5mm.) Cette variation d’épaisseur influe sur la flexibilité et par conséquent, sur la résonance de la guitare. Chaque luthier ajuste les épaisseurs en fonction de la nature du bois et de la sonorité recherchée.
On appelle « barrage » la série de renforts disposés sous la table d’harmonie. La fonction du barrage est de maintenir la stabilité structurelle (qui doit résister à la pression due à la tension des cordes) tout en conservant une souplesse et une réactivité de la table d’harmonie. La conception du barrage varie considérablement d’un luthier à l’autre. Pour un luthier, une large part de la recherche et de l’innovation se concentre sur la table d’harmonie et la conception du barrage qui permet aussi de contrôler la vibration.
Si le sujet vous intéresse, voici un fichier pdf réalisé par orfeomagazine
D’autres détails intéressants sur ce site : kohno-guitar
Quelles différences entre « Flamenca » et « Classique » ?
Guitare Flamenca « Blanca »
- Table d’harmonie : Épicéa
- Corps/éclisses : Cyprès
L’anatomie de la guitare :
- action des cordes courte
- petite profondeur de caisse
- grande légèreté
Les caractéristiques sonores :
un son court, sec, plutôt droit et plutôt clair, très réactif, …
Guitare Classique
- Table d’harmonie : Cèdre
- Corps/éclisses : Palissandre
L’anatomie de la guitare :
- action des cordes longue
- grande profondeur de caisse
- poids conséquent
Les caractéristiques sonores :
un son long, profondeur des basses, rondeur et sustain souvent marqué, …
Point de vue personnel
Chacun cultivera son univers musical et trouvera les raisons de justifier ses choix… à titre d’exemple, voici les miens.
La guitare flamenca est légère, vivante, pleine d’esprit et de caractère, c’est un instrument avec lequel il faut parfois négocier, à la fois rustique et raffiné. Elle est puissante, très réactive, le son est droit et court, elle ne rempli pas l’espace, elle le laisse respirer, c’est là toute son élégance.
A contrario, la guitare dite « classique » (celle qui s’est imposée dans le circuit institutionnel de type « conservatoire ») est un peu à l’image du monde institutionnel : pesante (au sens propre et figuré). Il y a chez elle une sorte d’inertie. C’est un instrument qui « lisse » les choses, soigne l’apparence, et qui (à mon sens) retire sa vitalité à la musique. Les basses sont souvent trop amples et le sustain malvenu.
Je comparerais volontier guitare flamenca et guitare classique avec Clavecin et Piano. La nature, l’esprit et le caractère qui les font sont antithétiques. Si la guitare flamenca a dans son caractère quelque chose de « mat » qui nous rapproche de la chose musicale dans sa matière même ; la guitare classique ajoute au contraire un « glacis » (comme celui d’un pelliculage sur le papier).
Les cordes !
Même si elles sont reléguées au rang de « consommable », nous aurions tort de négliger celles qui émettent la note ! La corde est une affaire à part entière. Sans s’étaler sur le sujet, il est important de considérer que le choix d’un type de corde peut modifier considérablement le son et la sensation que nous avons de notre instrument. Nous devons considérer au moins trois choses :
La nature de cordes :
Boyau, Nylon, Carbon (dont les caractéristiques sont très différentes).
La tension des cordes :
Une même gamme de corde propose en général trois niveaux de tension possible (faible, médium, forte). Plus la tension est forte, plus la corde est juste, la projection puissante et la justesse précise, cependant, moins la corde est souple et plus elle demande de la force dans l’action.
La gamme proposée par le fabricant :
Chaque fabricant développe différentes gammes de cordes pour répondre à des besoins spécifiques (flamenco ou classique avec différentes variantes). Selon les fabricants et les modèles proposés, les cordes peuvent être d’un diamètre plus ou moins épais.
J’essaierai de faire un post sur le sujet.