Essor de l’industrie culturelle : Monopole et Standardisation

De la diversité des identités “traditionnelles” ancrées vers une standardisation de modèles “hors-sol“.

Exemple comparatif (il s’agit moins de porter un jugement “moral” que d’observer les “rapports de forces” et les transformations qui s’opèrent):

Dans les années ~1950 : la chanson populaire produite en France représente 95-98 % en langue française contre 2-5 % en langue étrangère (anglais, italien) / Musicalité : importance de la ligne mélodique / Impact socioculturel : la chanson opère ici comme vecteur de cohésion sociale, elle traite de l’amour romantique, du patriotisme, de la vie quotidienne ; la critique est principalement humoristique ou légère.

Dans les années ~2020 : la “chanson” populaire produite en France (et à l’étranger), diffusée en France, représente 60-70 % en langue anglophone, 40-30 % en langue française.
Valeurs véhiculées : Violence gratuite, Sexualité explicite, Consumérisme, Tribalisme, Communautarisme… / La musique agit ici comme un facteur de polarisation et de segmentation de la population (classe, âge, origine, territoire…) / érosion des valeurs communes / perte de la diversité culturelle par l’uniformisation des modèles (ce phénomène opère à échelle mondiale).

En résumé
L’industrie culturelle doit être observée à travers divers facteurs interdépendants : le facteur économique, le facteur idéologique et politique, les transformations induites sur la société par leur développement.

Force est de constater que la société (grégarisme oblige) adopte les modèles qui dominent et s’y conforme, non parce qu’ils sont “bons” mais parce qu’ils sont “communs”. On comprend que la musique serve de vecteur pour induire des comportements et modéliser la société (les esprits jeunes en recherche d’identité représentent la cible la plus perméable).

Outre les intérêts économiques qu’elle représente, l’industrie culturelle est une arme de conquête par la séduction (Plan Marshall 1945)(“Soft power”, “Transfert culturel”…).
Elle aura permis la modélisation des sociétés occidentales par le monde anglo-américain à la sortie de la Seconde Guerre mondiale et de renverser les modèles traditionnels (Mai 68).

Encore une fois, cette industrie culturelle participe aujourd’hui largement à la segmentation du corps social et à la dégradation du socle culturel commun.

S’il émergea des années 1970 un élan de fraîcheur et de liberté desquelles s’exprima une grande créativité, il ne faut toutefois pas confondre la forme et le fond. À titre d’exemple, il existe des dissonances flagrantes, comme ici : le “Rock”, portant l’étoffe de “l’anti-conformisme”, aura servi de matrice pour conformer et conduire une génération à rompre avec ses pairs et, en définitive, dans l’idée d’une filiation, à rompre avec elle-même (la musique -par les valeurs qu’elle véhicule- opère ici comme un levier de déracinement).

Universal / Warner / Paramount / Disney / Netflix … La concentration de pouvoir d’influence que détiennent les “Majors” (relativement homogènes dans leurs engagements idéologiques et politiques — et parfaitement en adéquation dans leur propagande avec les grandes orientations politiques de gouvernance globale — Agenda 2030, Global Goals…) laisse perplexe quant au concept de “libre arbitre” et la notion de “diversité culturelle“.
À titre d’exemple : NETFLIX, entité “publique”, cotée en bourse, est détenue par les fonds d’investissements que sont Vanguard, BlackRock, Fidelity Investments… c’est dire si les intérêts sont puissants et imaginer qu’ils n’ont pas de vision sur la modélisation du monde relève de l’ineptie…

Qu’il s’agisse de production culturelle de “divertissement” ou de “l’information”, les canaux de distribution sont détenus par une classe aux intérêts communs et/ou imbriqués. La “presse” reçoit les directives de l’AFP et ne fait qu’adapter le message à son public. Le “pluralisme” de l’information ne se situe que dans la forme. Démonstration ici (…et il ne s’agit pas d’un “fake”). La répétition du message s’ancre dans les esprits et opère comme une incantation…
Notons la coordinations de l’élite mondiale et des médias qui les relais

Sources de recherches : Données Spotify et Deezer / Rapports du CSA / Études de l’Observatoire de la musique / Classements du SNEP / Claude AI. / Chat GPT

Acheter sa première guitare

Quelle guitare acheter ?

Cet article traite des guitares « traditionnelles », c’est à dire des guitares cordées en boyau ou en nylon et dont les racines sont en Espagne (ce sont les « guitare espagnole », « guitare classique », « guitare flamenca ».)

Si l’instrument ne fait pas le musicien, il y contribue tout de même un peu. C’est lui qui nous permet d’entrer dans la matière sonore et de la travailler. Choisir sa guitare est une quête, une recherche d’identité et d’esthétique musicale qui s’affine avec le temps et l’expérience. Celui qui débute n’aura pas grand intérêt à investir dans « un bel instrument » ; il lui sera plus essentiel de développer d’abord ses compétences et son oreille musicale.

Le conseil le plus évidant est avant tout d’écouter des guitaristes. Ils seront autant de repères et de référants pour définir une esthétique sonore et musicale qui nous correspond.

Si « l’instrument » est une question qui nous préoccupe, ne serait-il pas utile de s’intéresser à son histoire et à sa lutherie ? A ce propos, je ne saurais que trop vous recommander Orfeo magazine qui nous invite à rencontrer les alchimistes du bois qui façonnent nos belles guitares (une mine d’or !).

Si le choix d’un instrument est une affaire de goût, il implique également une notion de budget, alors voici une petite idée (à la louche) de ce que vous trouverez sur le marché de l’instrument.

S’il s’agit d’un premier achat, je vous conseille de vous orienter vers des revendeurs spécialisés (et de proximité), ils devraient être en mesure de vous apporter conseil et d’assurer un service après vente en cas de problème. Notez aussi qu’il existe différentes tailles de guitares (enfants et adultes) et que, selon les marques, elles ne respectent pas toutes les mêmes standards de conception (notamment sur la largeur de « sillet de tête »…)

Sur quels critères orienter nos choix ?

  • Les caractéristiques sonores
  • L’équilibre tonal (basses/médiums/aigus)
  • La justesse des notes
  • Le confort de jeu
  • La présence sonore
  • L’esthétique

Comment définir un son ?

Le timbre et le son : Sec, Long, Rond, Chaleureux, Profond, Clair, Percussif, Brillant, Métallique, Velouté, Court, Droit, …
Les performances techniques et acoustiques : Réactivité et Dynamique, Richesse harmonique, Attaque, Réponse, Projection…
L’articulation : la netteté et la clarté avec lesquelles chaque note est exprimée, souvent liées à la précision de la construction et à la qualité des matériaux.

tailles guitares

Les tailles

  • 1/2 et 3/4 sont des tailles enfants
  • 7/8 une taille intermédiaire
  • 4/4 une taille adulte

Prix pour une guitare usinée

Ici, la notion de « gamme » se définie par la qualité des bois utilisés et la complexité des finitions (marqueterie et autres détails). La nature des bois, leur qualité et la conception structurelle ont évidement un impact considérable sur la qualité et la sonorité de l’instrument :

  • entre 150€ et 350€ pour une entrée de gamme (correcte)
  • 750€ pour un bon milieu de gamme (très satisfaisant)
  • 1500€ et + pour du haut de gamme

Voici quelques marques de bonne facture (liste non exhaustive) : Camps, Alhambra, Kremona, Yamaha,

Prix pour une guitare de luthier

  • à partir de 1500€ pour une belle guitare d’étude
  • à partir de 3500€ pour une guitare de concert
  • 5000€ et beaucoup plus pour le haut de gamme

On va chez un luthier pour y trouver un instrument fait dans le respect de la tradition, une matière première sélectionnée avec attention, un soin particulier sur l’ouvrage et surtout, pour une « identité » et une « signature sonore ». Acheter chez un jeune luthier est un bon parti, le prix sera bcp plus attractif et s’il est talentueux, sa côte va monter.

Pour une guitare de collection

On doit entendre par « guitare de collection » qu’il s’agit d’un instrument de portée historique et issu d’un grand nom de la lutherie. Ici, selon la rareté, l’état, la période, la provenance et le prestige du luthier, les tarifs peuvent s’envoler… certaines guitares peuvent se vendre à plus de 100.000€ (c’est le prix a payer pour des guitares Antonio de TorresHermann HauserIgnacio FletaRobert Bouchet…). Ceci étant, on trouve aussi des guitares « de collection » à des tarifs beaucoup plus abordables comme par exemple, les guitares José Ramirez Deuxième génération (fabriquées entre 1957 et 1962) entre 10.000€ et 20.000€ (…et parfois moins), celles de Troisième génération aux allant tours des 3500€ (fabriquées entre 1960 jusqu’au début des années 1980). Il est à noter que ces instruments peuvent avoir fait l’objet de plusieurs restaurations et que, du fait de leur grand âge et de la maturité des bois, la puissance sonore et la jouabilité ne sont pas toujours les paramètres les plus remarquables. Si l’on se dirige vers ce genre d’instrument, c’est pour leur « portée historique » et leur « identité sonore ». Il y a là un rapport affectif, une sorte de filiation charnel avec l’histoire. (acheter une guitare de luthier c’est comme acheter une toile de maître, c’est une oeuvre à part entière. C’est l’oeuvre particulière d’un individu).

La guitare d’occasion, une bonne option

C’est avec le temps que l’instrument se fait, les bois « s’ouvrent » et les tensions propres aux assemblages trouvent leur équilibre. Acheter un instrument d’occasion c’est profiter tout de suite du meilleur de ses qualités sonores. Bien entendu il faut une certaine habitude pour expertiser convenablement un instrument d’occasion. Voici quelques points de contrôle :

  • que la table d’harmonie ne soit pas décollée, fendue ou qu’elle ne présente pas de déformation trop importante (dues aux tensions des cordes)
  • qu’il n’y est pas de barrage décollé à l’intérieur de la caisse
  • que le manche n’est pas été cassé et recollé
  • que le chevalet ne présente pas de décollement (sur l’arrière)
  • que le manche ne présente pas de déformation (creux ou bosses) qui ne soit réglable
  • que l’action des cordes soit confortable (la facilité de jeu) et que la « frise » acceptable (en contrôlant toute la longueur du manche)
  • que la justesse soit bonne
  • que chacune des mécaniques tourne correctement et soit en mesure de tenir l’accord

Notez tout de même que tout ou presque tout sur une guitare peut être réparé ou remplacé, c’est une affaire de prix.

Anatomie de la guitare

Anatomie de la guitare

300 heures de travail en moyenne…

c’est le temps de fabrication d’une guitare pour un artisan luthier traditionnel. Le prix de ses instruments est souvent relatif à sa notoriété et à ses années de pratique. Si tout le monde n’a pas 5000€ à sortir de sa poche, le prix n’en est pas moins justifié (chacun fera le calcul, une fois retiré le coût de la matière première, les charges d’exploitation, les taxes et ponctions étatiques en tout genre… la rémunération horaire du luthier est bien faible. Il est clair que ce qui motive ici l’action est forcément autre chose que le profit mercantile.)

Pour autant, il est vrai qu’on trouve aujourd’hui sur le marché des instruments usinés offrant des performances tout à fait honorables et capables de satisfaire nombreux d’entre nous.

Si les usines peuvent proposer des instruments à des prix dérisoires, c’est que leur raison d’être et leurs principes de fonctionnement ne sont pas ceux du luthier (marges de négoce sur la matière première, délocalisation des chaines de production, mécanisation et coup réduit de la main d’oeuvre, réseaux de distribution…)

J’ai envie de faire ici un parallèle significatif avec le monde vinicole. Si les caves coopératives n’ont jamais produit de grands crus, c’est avant tout parce que leur « modèle de production » ne le permet pas. La grande distribution produit « de la quantité et des standards » ; elle est tenue par une économie de marché (concurrentielle) et elle minimise les risques. A contrario, l’artisan (vigneron ou luthier) perpétue une tradition, il s’inscrit dans « une recherche esthétique » et travaille de petites quantités de façons spécifiques avec une vision personnelle. Même s’il a besoin de vendre sa production pour vivre, la raison d’être de l’artisan c’est « l’ouvrage ». C’est dans les ateliers de luthiers que se façonne l’histoire de l’instrument, ce sont eux qui apportent les innovations et qui insufflent à l’instrument une identité, un souffle et une âme.

Vicente Carrillo Casas, luthier de père en fils depuis 1755. On voit ici la lutherie traditionnelle espagnole.

Les essences de bois

Ci-dessous, les essences de bois fréquemment utilisées dans la fabrication des guitares.

  • Table d’harmonie : Épicéa, Cèdre
  • Dos et éclisses : Cyprès, Palissandre, Sapelli (Acajou)
  • Manche : Cèdre, Acajou, Érable
  • Touche : Ébène, Palissandre
  • Chevalet : Ébène, Palissandre, Bois de rose

L’essence ne suffit pas, la qualité du bois varie selon différents paramètres et notamment, le climat et l’altitude à laquelle l’arbre a poussé (cela influe sur la densité) ; l’âge et la période à laquelle il a été coupé, le mode et le temps de séchage… (les luthiers peuvent utiliser des bois qui auront séché pendant plusieurs dizaines d’années.)

Orfeo magazine N°21 - Édition française - Printemps 2023

Photo Orfeo magazine N°21 – Printemps 2023

La table et le barrage

La table d’harmonie et le barrage jouent un rôle crucial dans le son d’une guitare. La nature du bois et la qualité du grain (serré ou large) définissent en grande partie les caractéristiques sonores de l’instrument. Notons également qu’il existe différentes variétés et divers réputations pour chacune de ces essences (Épicéa européen ou d’Amérique du nord ; Palissandre de Rio, des Indes ou de l’Asie du Sud-est…)

La table d’harmonie est une sorte de membrane tendue qui amplifie l’action vibrante de la corde, elle a la même fonction qu’une peau pour une percussion. Elle doit donc être fine et réactive. L’épaisseur de la table varie sur toute la surface (plus mince au centre et un peu plus épaisse vers les bords, elle peut être symétrique ou asymétrique pour jouer sur l’équilibre tonal)(cette variation peut se jouer entre 2mm. et 5mm.) Cette variation d’épaisseur influe sur la flexibilité et par conséquent, sur la résonance de la guitare. Chaque luthier ajuste les épaisseurs en fonction de la nature du bois et de la sonorité recherchée.

On appelle « barrage » la série de renforts disposés sous la table d’harmonie. La fonction du barrage est de maintenir la stabilité structurelle (qui doit résister à la pression due à la tension des cordes) tout en conservant une souplesse et une réactivité de la table d’harmonie. La conception du barrage varie considérablement d’un luthier à l’autre. Pour un luthier, une large part de la recherche et de l’innovation se concentre sur la table d’harmonie et la conception du barrage qui permet aussi de contrôler la vibration.

Si le sujet vous intéresse, voici un fichier pdf réalisé par orfeomagazine

D’autres détails intéressants sur ce site : kohno-guitar

Quelles différences entre « Flamenca » et « Classique » ?

Guitare Salon International
Guitare Francisco Barba (1987)
Vendue sur guitaresalon.com

Guitare Flamenca « Blanca »

  • Table d’harmonie : Épicéa
  • Corps/éclisses : Cyprès

L’anatomie de la guitare :

  • action des cordes courte
  • petite profondeur de caisse
  • grande légèreté

Les caractéristiques sonores :
un son court, sec, plutôt droit et plutôt clair, très réactif, …

Guitare Salon International
Guitare Ignacio Rozas (2008)
Vendue sur guitaresalon.com

Guitare Classique

  • Table d’harmonie : Cèdre
  • Corps/éclisses : Palissandre

L’anatomie de la guitare :

  • action des cordes longue
  • grande profondeur de caisse
  • poids conséquent

Les caractéristiques sonores :
un son long, profondeur des basses, rondeur et sustain souvent marqué, …

Point de vue personnel

Chacun cultivera son univers musical et trouvera les raisons de justifier ses choix… à titre d’exemple, voici les miens.

La guitare flamenca est légère, vivante, pleine d’esprit et de caractère, c’est un instrument avec lequel il faut parfois négocier, à la fois rustique et raffiné. Elle est puissante, très réactive, le son est droit et court, elle ne rempli pas l’espace, elle le laisse respirer, c’est là toute son élégance.

A contrario, la guitare dite « classique » (celle qui s’est imposée dans le circuit institutionnel de type « conservatoire ») est un peu à l’image du monde institutionnel : pesante (au sens propre et figuré). Il y a chez elle une sorte d’inertie. C’est un instrument qui « lisse » les choses, soigne l’apparence, et qui (à mon sens) retire sa vitalité à la musique. Les basses sont souvent trop amples et le sustain malvenu.

Je comparerais volontier guitare flamenca et guitare classique avec Clavecin et Piano. La nature, l’esprit et le caractère qui les font sont antithétiques. Si la guitare flamenca a dans son caractère quelque chose de « mat » qui nous rapproche de la chose musicale dans sa matière même ; la guitare classique ajoute au contraire un « glacis » (comme celui d’un pelliculage sur le papier).

Les cordes !

Même si elles sont reléguées au rang de « consommable », nous aurions tort de négliger celles qui émettent la note ! La corde est une affaire à part entière. Sans s’étaler sur le sujet, il est important de considérer que le choix d’un type de corde peut modifier considérablement le son et la sensation que nous avons de notre instrument. Nous devons considérer au moins trois choses :

La nature de cordes :
Boyau, Nylon, Carbon (dont les caractéristiques sont très différentes).

La tension des cordes :
Une même gamme de corde propose en général trois niveaux de tension possible (faible, médium, forte). Plus la tension est forte, plus la corde est juste, la projection puissante et la justesse précise, cependant, moins la corde est souple et plus elle demande de la force dans l’action.

La gamme proposée par le fabricant :
Chaque fabricant développe différentes gammes de cordes pour répondre à des besoins spécifiques (flamenco ou classique avec différentes variantes). Selon les fabricants et les modèles proposés, les cordes peuvent être d’un diamètre plus ou moins épais.

J’essaierai de faire un post sur le sujet.

Musique et instruments

Musique et instruments

L’instrument offre des possibilités originales à celui qui veut travailler la matière sonore. Si le jeu du clavecin s’accompagne d’un art de l’ornementation, c’est très probablement la nature même de l’instrument qui y a poussé.

Contrairement au piano qui permet une action importante sur l’intensité du son et la gestion de la résonance, le clavecin pour sa part ne le permet pas. Le son du clavecin est droit, court et l’intensité de la note n’est pas « ajustable ». Ainsi, pour agrémenter et nourrir la part expressive dans le jeu, on use d’un principe d’ornementation, c’est une façon de jouer sur « l’intensité », non pas par le « volume sonore » mais par « l’insistance » permettant la mise en valeur de certaines notes ou d’articulations du texte (intensité et insistance sont soeurs).

L’ornementation est une façon d’intensifier par un procédé plus intellectuel que physique. C’est là, « l’art de toucher le clavecin » et de le faire chanter…

C’est là tout le caractère et le bel esprit du XVIIIe qui cultive l’art de dire avec élégance, avec noblesse, avec de la tenue et de la retenue.

Domenico Scarlatti, Sonata en Ré mineur K32 [Aria] – par Ruggero Pilla

Sublime !! les 555 Sonates de Domenico Scarlatti jouées par des figures majeures du Clavecin, ici (Merci France-musique !) : https://www.youtube.com/hashtag/scarlatti555

Schémas d’ornementations :

ornementations, clavecin
ornementations
Fernando de la Morena

Flamenco, un art de la performance déclamatoire

Le “Cantaore” est investi du “Verbe”, c’est celui qui porte le texte et le restitue avec force et caractère. La distorsion entre ce qui s’accomplit ici et la représentation occidentale attachée au concept de “chanteur” montre à quel point la traduction est inappropriée et qu’il nous faut accepter le mot sous un autre angle.

La “justesse” du “Cantaore” n’est pas dans la qualité sonore de la note produite mais dans sa capacité à restituer la force expressive et le caractère du texte. Le Flamenco est l’art de la « déclamation », de la tension et de l’ornement. Le chant mélismatique, l’harmonie et les principes qui sont les siens brillent d’une singularité hors pair. Si l’histoire de la musique démontre la porosité entre le monde occidental et l’orient, lorsqu’il s’agit de l’Espagne, elle est éclatante.

Si le flamenco représente un “genre musical”, il semble au moins aussi judicieux de l’envisager comme un art de la théâtralisation qui s’établit par “l’exercice de l’expressivité” (impliquant nécessairement celui qui s’y adonne à s’engager, à « répondre de soi » et de son « être »). Cette tradition ibérique, fruit d’un enracinement profond, d’une géographie, d’une histoire et de sa complexité, transcende l’individu qui la porte. Le flamenco est un « rituel », c’est l’âme de la tradition qui se perpétue à travers ceux qui la servent. C’est le “bien de tous” qui fait émerger des figures emblématiques, tels des prêtres dévoués et capables.

Le flamenco ne saurait être envisagé autrement que dans sa langue natale, socle d’une musicalité qui en constitue « l’accent », le souffle, la couleur, l’esprit, le tempérament, la nature… Nous pourrions tout retirer ici mais pas le “Cante”, s’il n’y a plus le texte, il manque l’essentiel (c’est comme retirer le chant choral à la musique sacrée. Elle perd son sens, son essence et sa raison d’être.) Tout sert le texte. C’est sur la base du texte que se sont établis les principes de cette tradition. Si chacun des intervenants a son autonomie propre et s’accorde à travers le “compas” (le cycle rythmique), les rôles sont hiérarchisés. La guitare soutient le chant et la danse l’exprime et le matérialise par le geste. L’assemblée présente « communie » en lançant des “jaleo” d’encouragement et de satisfaction.

L’identité du flamenco est si forte et si étroitement liée à l’histoire et par un principe de filiation que, même si techniquement nous pouvons produire les effets du « toque flamenco », nous n’y avons pas notre place. Il s’agit d’une histoire de sang, ça ne se décide pas. Pour autant,

si la beauté de son âme et la vitalité qui l’anime nous touche, nous pouvons toujours l’admirer comme un amant émerveillé.

Dans les années 1970, le flamenco commence à s’exporter et, par la force des choses, il change de « fonction ». Alors qu’il se pratiquait en famille ou dans des “tablaos” avec une assemblée d’aficionados et dans un esprit de communion, il devient objet de « spectacle » pour un tourisme musical. Au lieu de rester dans la rugosité du réel, il devient une « représentation de lui-même » (la “Société du Spectacle” avale tout de la vie pour nourrir la fiction et sortir l’être du « présent »). Ainsi, les “traditionalistes” et les “modernes” s’opposent ; les premiers déplorant une perversion du sens et de la tradition ; les seconds prônant “l’évolution” et la “libéralisation”.

Il faut dire que les années beatnik furent le temps d’une effervescence créative et d’une volonté de tout mélanger… les jeunes générations se sont retrouvées avec un pied dans la tradition et un autre emporté par l’air du temps ; elles ont été séduites par un extérieur qui leur faisait de l’œil. C’est à ce moment que des personnages clefs tels que Paco de Lucia ont réformé le flamenco, fait des tentatives de “fusion” de genres et surtout, ont révoqué les principes fondamentaux de l’improvisation et la prédominance du Cante sur la guitare. (Chez Paco, le Cante vient en “habillage” comme un élément décoratif pour servir la musique et non pour être servi par elle). De quoi révolter les puristes…

Tradition : familiale

Tradition : Manuel Agujetas y Parilla de Jerez (por Siguiriya)

Tradition : Manuel Agujetas y Moraíto Chico (por Soleá)

Moderne : Paco de Lucia groupe

Comme les musiques de traditions populaires, le flamenco s’organise autour d’un cadre « rythmique » (compas) (ici, en 12 ou 4 temps avec une accentuation spécifique) et « harmonique » (2, 3 ou 4 accords tournant en boucle). C’est la base sur laquelle se développe le jeu qui constitue les “Palos” et leur caractère (c’est-à-dire, les styles tels que Siguiriya, Soleá, Alegría…). Tout l’art est donc ici d’ornementer pour échapper à la répétition. Le guitariste (comme en jazz) joue avec l’harmonie et “se joue” de la répétition par “la subversion du cadre” à travers la fabrique de « variations ».

Du point de vue de l’harmonie, nous ferions certainement une erreur à envisager la fonction modale de la même manière que nous le faisons dans la musique occidentale.

Il nous faut bien considérer que l’harmonie du flamenco naît de la guitare, de sa nature, de sa physiologie… Aussi, le Toque flamenco ne pense pas sa musique en termes de « modes » mais plutôt en termes de « positions » (se rapportant directement à l’instrument). Ainsi, on trouve le Jeu “por Arriba” (corde de Mi), por Medio (corde de LA), “a Taranta” (position de Fa#) … (chaque “style” —Palo— se rapporte lui-même à une « cadence type » et à une « position » sur l’instrument.)

Comme l’explique Adam del Monte (lien ci-dessous), si nous abordons le jeu “por Soleá” en exploitant seulement le mode “phrygien” qui semble s’y rapporter, il nous manque des notes !! Le flamenco ouvre l’harmonie, il l’élargit considérablement, d’où ses dissonances très caractéristiques et cette sonorité sans égale.

Adam del Monte

En Espagne, la guitare est reine ! Même si c’est une évidence, précisons tout de même que dans le flamenco (traditionnel), la guitare est le seul instrument qui constitue l’harmonie. Elle est centre de tous les intérêts.

Encore une fois, pour le guitariste comme pour le Cantaore, la caractéristique essentielle est l’expressivité. Un “rasgueado” n’est pas seulement un “geste musical” spécifique, s’est avant tout “une volonté exprimée” avec une dynamique forte (mais subtile). La guitare est davantage un outil qui permet de « travailler la matière » qu’un instrument qui sert à « faire des notes ». Ici, on joue à créer une dynamique, des tensions, des frottements, on joue avec le timbre et la matière…

Le « Toque flamenco » est « l’art de faire sonner la guitare » et d’en manifester l’expressivité dans toute sont étendue. Concernant les techniques de jeu main droite développées en flamenco, il est intéressant de noter qu’elles s’employaient également au XVIIe et XVIIIe siècles sur nos guitares baroques mais qu’elles ont été délaissées au XIXe lorsque la nouvelle société bourgeoise a réformé tout ce qui appartenait à la noblesse… (lire à ce sujet « Libertés et déterminismes de la guitare » de Rafael Andia.)

La guitare est un instrument à forte personnalité, c’est un instrument rugueux et capricieux, un cheval fougueux avec lequel il faut négocier… fougueux et sauvage. La société bourgeoise du XIXe a bridé sa nature alors que l’Espagne, à travers les gens de la terre, a porté en gloire son instinct de liberté.

J’aime rappeler que le clavecin a une grande proximité avec la guitare et que tout l’esprit et la force de caractère du flamenco se trouve chez le sublime « Domenico Scarlatti » qui s’est imprégné de cette culture…

Pour finir, parlons de l’instrument et de sa nature. Le cyprès a été utilisé pour fabriquer les guitares flamenco dites « Blanca » et choisi en raison de ses propriétés acoustiques et de sa disponibilité locale. Ces guitares sont traditionnellement construites avec une table d’harmonie en épicéa et un dos et des éclisses en cyprès. Ces guitares sont légèrement plus étroites que les guitares dites « classiques » et elles se distinguent par leur grande légèreté. Par ailleurs, leur conception et la combinaison de bois (épicéa, cyprès) permettent d’obtenir un son très caractéristique et une capacité à produire des tons clairs et vifs, une attaque rapide et une grande projection sonore (contrairement aux guitares « classiques », les flamencas ont moins de sustain, et un son beaucoup plus mat et sec. Elles conviennent parfaitement à jouer le répertoire de la “musique ancienne”, à mon sens beaucoup mieux que les “classiques”).

Solfège, pourquoi tant de haine ?

Si le solfège souffre de préjugés tenaces (ou d’expériences fâcheuses), il est important de rappeler que —> la chose est souvent moins le problème que la façon de l’aborder.

Un peu d’histoire :

Selon les cas, le « solfège » n’est pas indispensable, notamment si l’on aborde le répertoire des musiques populaires qui, selon la coutume, sont dites de « tradition orale ». Ceci étant, aujourd’hui, beaucoup de ces musiques sont écrites et il faut également “savoir lire” pour y avoir accès (…à moins d’être réellement dans la « tradition ».)

Il est intéressant de relever que, c’est précisément ce principe de « tradition orale » qui contribue à faire de la musique populaire ce qu’elle est. Si la mémorisation des structures est un impératif, ces structures doivent être courtes et facilement identifiables. Ainsi, elles se résument souvent à une mélodie simple, une suite de trois ou quatre accords et dans bien des cas, elle fait appel à un principe de « variation » et d’improvisation.

Par conséquent, la stylistique et les conventions musicales qui animent le « genre populaire » s’établissent en partie sur d’autres principes que ceux de la musique dite “classique” (ou savante). À titre d’exemple, le flamenco traditionnel est art populaire où la notion « d’écriture » de la musique n’a pas lieu d’être (il n’en est pas moins riche et subtil pour autant.)

En revanche, on n’imagine pas toujours à quel point le système d’écriture musicale a révolutionné la musique. C’est le socle de toute la musique classique occidentale.

L’écriture permet non seulement de transmettre la musique (de façon exacte) dans le temps et l’espace mais surtout, elle permet de développer un propos musical sur un temps long, voir très long et plus encore —> elle permet de concevoir des polyphonies complexes et richement élaborées (inconcevables sans l’écriture). Le système de notation de la musique invite à approfondir les principes de l’harmonie (et à créer des règles pour mieux les subvertir.

Par ailleurs, le système de notation de la musique permet à une seule personne de concevoir une œuvre pour un ensemble d’instruments (et de voix), c’est alors ce « compositeur » qui décidera des notes que chaque musicien aura à exécuter. De là, le principe d’improvisation n’a plus lieu d’être mais, ceci n’est pas tout à fait exacte car le principe du « continuo » et l’art de l’ornementation dans la période baroque offrait à l’interprète une grande flexibilité de jeu et de créativité (les choses ont changé par la suite.)(ça n’est là qu’une supposition personnelle mais… peut-être que la notation en tablature, largement répandue à la Renaissance, aura joué un rôle dans cette liberté offerte à l’interprète. le rapport à la composition pour quelqu’un qui n’écrit pas les notes, implique une connaissance « pratique » des intervalles, des accords etc. ce rapport à la musique rejoint la pratique du jazz, qui fait confiance à l’interprète.)

Les musiques de Bach, Mozart, Beethoven… n’auraient jamais vu le jour sans ce système de notation de la musique.

La tablature a longtemps été de mise (pour les cordes mais aussi pour les claviers)(les premières tablatures connues datent du Moyen Âge). La tablature montre où placer les doigts plutôt que d’indiquer les notes de musique. Il faut savoir que sur la guitare, une « même note » peut être jouée à différents emplacements ; par conséquent, l’interprète dispose d’un « choix » de positions et de « doigté ». Par cette subtilité, même si les notes sont identiques, le choix de doigté aura un impact sur la qualité du phrasé. Ainsi, à la différence de la notation solfégique, la tablature fixera avec précision l’élaboration du geste et, par conséquent, décidera de la coloration et du rendu sonore (et technique) de la phrase musicale à développer.

En revanche, la tablature ne fait qu’aligner des lignes et des numéros de cases (parfois même, sans le rythme !) alors que le système de notation solfégique permet de percevoir la musique en un seul coup d’oeil ! Elle en dessine les reliefs, rythmiques et harmoniques. Pour qui s’y est un peu exercé, tout est lisible immédiatement ! Elle ne fait pas qu’informer sur les notes et les rythmes à jouer mais elle nous permet de voir une architecture et d’entrer plus au fond du propos musical. Une merveille !!

En soi, la notation solfégique est si simple qu’il ne faut pas plus de 2 minutes pour en expliquer les principes (hauteur et durée des notes). Pourquoi s’en priver ??! (Évidement, comprendre ne suffit pas, le reste n’est qu’une question d’entrainement et de petites astuces pour identifier rapidement des ensembles de notes.)

J’insiste ——> la chose est souvent moins le problème que la façon de l’aborder.

Revenons sur des notions pédagogiques :

Il faut tenir compte des raisons et des objectifs qui mènent chacun à la pratique instrumentale. Bien entendu, une majorité d’enfants ou d’adultes ne viennent pas avec l’idée de faire carrière mais avec le désir simple et joyeux d’être en capacité de jouer d’un instrument et d’aborder son répertoire. Par conséquent, le dosage doit être fait de façon raisonnable entre ce qui est strictement nécessaire et ce qui l’est moins afin de ne pas encombrer (et plutôt d’optimiser) le temps que chacun consacre à son projet musical.

Notons aussi que l’apprentissage de la musique englobe en réalité un ensemble de compétences qui s’entrecroisent et se servent mutuellement, à savoir, chacun devrait être en capacité de : savoir écouter, chanter, jouer, improviser, composer, déchiffrer une partition, disposer de notions de théorie musicale et d’un minimum de culture générale, tant sur la connaisse et l’écoute active d’oeuvres classiques que sur des repères historiques permettant la compréhension de la « raison d’être » des choses.

Ajoutons à cela l’expérience de la pratique collective (la musique d’ensemble). Et nous n’avons pas encore commencé si nous ne citons pas l’objet de notre attention : l’appréhension de l’instrument et sa technique.

Pour ma part, je propose un « solfège appliqué » : dès le début de l’apprentissage, nous donnons à cette discipline un sens concret. Nous apprenons, pas à pas, à reconnaître les notes sur une portée en même temps que nous apprenons à les jouer sur l’instrument. Tout ceci, sur la base de petits morceaux à déchiffrer. (les résultats sont immédiats.)

L’instrument est au coeur de l’apprentissage et le solfège s’y greffe sans en être dissocié.

Bien entendu, ça n’est pas en 30 minutes (ou même une heure) de cours par semaine que l’on forme des experts en lecture mais les bases sont posées et les élèves sont autonomes. Rappelons au passage qu’un cours sert essentiellement à rectifier ou parfaire une notion ou un geste musicale et à mettre en place un plan de travail pour la semaine de façon à ce que l’élève ait des objectifs d’entrainement à tenir. Le résultat dépend en grande partie de la régularité de l’entrainement et de l’engagement de l’élève dans son projet musical.

Pour conclure,

Dans une société régressive où le moindre effort est perçu comme un mal, il est difficile de former des gens convenablement et d’annoncer la couleur sans risquer de les faire fuir…

Pourtant, chacun le concevra volontiers, j’en suis sûr, l’effort est nécessaire à tout apprentissage, c’est lui qui permet le « dépassement de soi » et nous apporte la gratification nécessaire à la motivation.

Savoir lire n’a jamais été un handicap mais plutôt une compétence !

À l’enseignant de rendre les choses agréables et de trouver les leviers de motivation afin que chacun s’épanouisse et trouve plaisir dans son projet.

Témoignage personnel.

Avant d’entrer au conservatoire et d’y faire mes classes, j’ai commencé la musique par des cours particuliers « sans solfège ». Ce dégrèvement temporairement “libératoire” ne m’a jamais rendu service, bien au contraire !

Lien France-musique sur le sujet :

https://www.radiofrance.fr/…/solfege-en-france-pourquoi…